Julien Pomart nous livre son retour d’expérience à l’issue du travail de mise en ligne des instruments de recherche de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme. Comme Anaphore le fait souvent, il s’est agi, sur ce dossier, d’instaurer un dialogue, un niveau de questionnement avec l’archiviste afin de révéler ce qui, dans l’organisation initialement proposée, reflétait véritablement le caractère organique des fonds.
En effet, faire émerger le caractère organique des contenus consignés a constitué le premier objectif de la démarche :

  • par l’application au premier degré du principe de respect des fonds, c’est-à-dire identifier la ou les entités productrices
  • et, au second degré de ce même principe, par le respect de l’ordre primitif ou originel des documents.

C’est dans un second mouvement que nous nous sommes intéressés à la stratégie de mise en ligne à proprement parler, à la définition des clés d’accès et de l’offre d’accès aux contenus voulue par l’archiviste.

Dans l’histoire d’un service d’archives, la mise en ligne des instruments de recherche qu’il produit constitue une étape majeure, voire symbolique, l’archiviste livrant aux internautes le fruit de son travail de collecte, de classement et de description des fonds dont il assure la gestion. En effet, le rôle de l’archiviste est avant tout de porter l’existence de sources primaires à la connaissance des publics.

Pour le pôle archives de la FMSH, l’année 2013 fut notamment marquée par la conception ainsi que la mise en ligne de la plateforme de consultation de ses premiers répertoires et inventaires en XML-EAD, créés à partir de 2012. Un tel projet nécessite de se poser les bonnes questions et d’évaluer ses enjeux en matière de médiation avec les publics.

Les principes directeurs

La conception d’une plateforme de consultation d’instruments de recherche archivistiques est une démarche qui implique plusieurs problématiques.

A qui s’adresse l’application ?

Les contenus archivistiques sont produits à destination d’un public, et même de publics, qu’il est nécessaire d’identifier au préalable afin de répondre du mieux possible à leurs besoins. De manière générale, le premier public ciblé est celui des chercheurs et étudiants, cependant il ne faut pas oublier le public « interne » composé de l’ensemble des acteurs d’une institution, ce qui inclue aussi bien sa gouvernance que son personnel administratif. En outre, au sein de ces catégories de publics, on pourrait distinguer plusieurs types d’usagers :

  • ceux qui connaissent l’application de consultation des contenus archivistiques et en prennent connaissance,
  • ceux qui s’adressent directement au service d’archives par téléphone, par courriel, ou en salle de lecture,
  • et puis, ceux qui utilisent ces deux solutions, somme toute complémentaires : d’abord l’utilisation de l’application web afin de prendre connaissance des fonds de manière générale, puis prise de rendez-vous avec l’archiviste. Ou alors découverte de l’application après échanges avec le service des archives.

Quelles sont les habitudes de consultation en ligne ?

L’utilisation des moteurs de recherche sur le web a introduit chez les internautes de nouvelles pratiques de recherche d’informations et de ressources. Plus de 80 % des internautes utilisent la fonction de recherche simple. Il ne faut cependant pas négliger d’autres types d’usages afin de ne pas oublier une partie des publics : exploration de l’état des fonds, utilisation des formulaires de recherche avancée, navigation d’un contenu à un autre via les termes indexés, etc.

Quels sont/seront les contenus à publier à court, moyen et long termes ?

S’il peut être délicat pour l’archiviste d’anticiper les futurs usages, il possède néanmoins le contrôle sur les contenus qu’il souhaite mettre en ligne à court, moyen et long termes. L’enjeu est en effet de concevoir un accès à des instruments de recherche qui n’existent pas encore. Cela est particulièrement vrai dans le cas des archives de la Fondation Maison des sciences de l’homme. En 2013, les répertoires créés depuis l’informatisation du service en 2012 s’élevaient au nombre de six et étaient loin de représenter toute la diversité – mais aussi la richesse du fonds. C’est donc la connaissance de ce fonds que possède l’archiviste qui a guidé l’élaboration de la plateforme de consultation, censée être adaptée à l’ensemble des contenus archivistiques présents et à venir : 1 an, 2 ans, 5 ans, 10 ans…

Dans quels environnements professionnel et numérique doit prendre place l’accès aux contenus archivistiques ?

Penser l’accès aux archives de manière isolée et déconnectée de l’environnement immédiat du service d’archives ainsi que des tendances globales peut s’avérer dommageable dans la mesure où l’application risque de se retrouver rapidement en non-conformité, soit avec la politique institutionnelle en matière de « numérique », soit avec les normes métiers en vigueur. Au sein de la FMSH et plus particulièrement de la bibliothèque, cela s’est traduit par :

  • un examen des pratiques des bibliothécaires afin de repérer de potentielles clefs d’accès à l’information communes entre bibliothèques et archives,
  • l’élaboration d’une application qui s’articulerait correctement avec les autres projets à venir, en particulier la mise en place d’un portail d’accès unique au catalogue des imprimés, aux ressources électroniques, aux bases de données et instruments de recherche archivistiques.

La structuration des contenus archivistiques : de l’état des fonds aux instruments de recherche

La connaissance des fonds d’archives que possèdent les archivistes peut être délicate à restituer aux usagers.

De quelle manière les présenter ? Deux notions sont capitales: contextualisation et hiérarchisation de l’information. Le pôle Archives a travaillé sur cette application en suivant un principe primordial en archivistique : décrire du général au particulier en évitant les redondances.

La création d’un état des fonds électronique constitue une étape incontournable : il va en effet structurer de manière hiérarchique l’ensemble des contenus archivistiques qui seront mis en ligne progressivement et offrir à l’usager un aperçu global des fonds documentaires.

Etat des fonds

Dans le cas des archives de la FMSH, nous avons fait le choix de structurer cet état des fonds autour de trois ensembles :

  1. Le fonds de l’Association de la Maison des sciences de l’homme, structure ayant précédé la Fondation (il ne s’agit pas à proprement parler du fonds d’archives de la FMSH),
  2. Les archives institutionnelles de la Fondation, c’est-à-dire les documents produits et reçus par ses services et programmes,
  3. Les fonds entrés par voie extraordinaire (les dons).

Pour le fonds institutionnel ainsi que les fonds confiés à la Fondation, un second découpage organise les ensembles documentaires par acteurs et/ou activités. Cette structuration résulte d’un choix de l’archiviste de mettre en valeur les fonds et ne reflète pas nécessairement le cadre de classement des archives en vigueur.

Concrètement, des documents rangés côte à côte dans les dépôts ne retrouveront pas nécessairement la même proximité dans l’état des fonds. Alors que le cadre de classement est destiné à organiser les fonds de manière thématique, l’état des fonds vise à restituer l’organisation du ou des producteur(s). Les libellés des ensembles et sous-ensembles doivent à la fois refléter cette organisation et êtres clairs pour l’usager. La création d’un état des fonds peut, de ce fait, s’avérer délicate.

Soulignons ici le rôle non négligeable des différents interlocuteurs pouvant intervenir dans ce type de projet, notamment des éventuels prestataires : à l’origine, cet état des fonds était structuré très différemment et reflétait d’avantage un cadre de classement. C’est en partie grâce à l’expertise ainsi qu’au regard extérieur apportés par la société Anaphore, durant la phase de conception, que cette évolution a eu lieu. Cette intervention a en effet permis à l’archiviste de prendre de la hauteur par rapport à ses pratiques et son environnement institutionnel pour mieux voir les éléments à corriger.

Lorsque l’ossature est mise en place, il est ensuite aisé pour l’archiviste d’y greffer les instruments de recherche qu’il produit progressivement:
Exemple de lien vers un répertoire numérique (fonds Fernand Braudel)
Reste un dernier choix à effectuer : faut-il présenter ici des fonds non traités et pour certains non communicables ?
Deux stratégies sont possibles :

  • Ne faire apparaître dans cet état des fonds que les archives classées et ayant fait l’objet d’une description archivistique au niveau de chaque dossier ou à la pièce, avec mise en ligne de l’instrument de recherche correspondant,
  • Ou, au contraire, présenter toute l’étendue des fonds conservés même s’il n’existe qu’une notice de fonds pour certains.

Compte tenu de la récence de la fonction archives de la FMSH, le Pôle Archives a opté pour une présentation de l’ensemble des ressources documentaires, sans se limiter aux archives traitées. En effet, chaque notice d’un fonds non classé, même incomplète, voire inexacte, constitue un accès à l’information pouvant toujours s’avérer utile. De plus, l’archiviste dispose de manière générale de quelques outils plus ou moins élaborés qui lui permettent de s’orienter dans le fonds et d’effectuer lui-même la recherche pour l’usager : bordereau de versement, listing sommaire, etc. et dont il pourra se servir pour renseigner au mieux les chercheurs.

L’interrogation des contenus archivistiques numériques

L’accès aux archives implique par ailleurs de permettre aux usagers d’interroger les instruments de recherche mis en ligne.

Les possibilités d’orientation de l’usager

Tous les moteurs de recherche proposent la possibilité d’effectuer des requêtes plus ou moins avancées. L’archiviste peut aller au-delà et proposer différents parcours de recherche qui vont aiguiller l’usager et donc enrichir l’expérience de recherche.

Dans le cas présent, il existe plusieurs possibilités :

  • effectuer une recherche simple (plein texte) dans l’ensemble des instruments de recherche,
  • élaborer une recherche plus sophistiquée, en combinant plusieurs critères, grâce à un formulaire d’orientation générale,
  • effectuer une recherche dans un périmètre limité ou aux archives institutionnelles de la FMSH ou aux fonds d’archives qui lui ont été confiés, au moyen des formulaires respectifs.

Cette dernière fonctionnalité permet de restituer la richesse des contenus archivistiques produits.
Formulaire de recherche dans les archives institutionnelles

Le rôle de l’indexation réfléchie et contrôlée

Les formulaires d’orientation de l’usager sont bâtis à partir des clefs d’accès à l’information que constituent les termes d’index des instruments de recherche. La connaissance que l’archiviste possède des fonds et de ses usagers joue toujours un rôle central dans la conception d’une telle application. Deux problématiques simples ont guidé leur conception :

  • De quelle manière l’archiviste veut-il et peut-il mettre en valeur les fonds ?
  • Quels sont les principaux types d’information que les usagers recherchent ?

Pour la Fondation Maison des sciences de l’homme, nous avons opté pour la création de clefs d’accès mettant en avant les spécificités de ses fonds d’archives et de son action :

  • noms de chercheurs
  • disciplines scientifiques
  • services et programmes institutionnels
  • programmes scientifiques
  • manifestations scientifiques (colloques, séminaires, journées d’études, etc.).

A l’heure actuelle, peu de termes apparaissent car la production d’instruments de recherche électroniques est récente. Mais, au fur et à mesure de l’avancée des travaux de traitement des fonds, les listes de termes vont se nourrir de l’indexation et enrichir l’expérience de recherche. La création des contenus archivistiques et leur mise en ligne sont ainsi deux missions de l’archiviste étroitement liées et devant être assurées de manière concomitante. A contrario, un service d’archives dont la politique de mise en ligne n’intervient que bien après la création d’instruments de recherche en XML-EAD devra faire face à un manque d’index spécifiques à son institution. L’application de consultation risque donc de ne pas refléter toute la richesse des fonds dont il assure la gestion.

La restitution des résultats de requête

Les descriptions archivistiques sont organisées selon une arborescence hiérarchique. Si l’on souhaite conserver l’état d’esprit régissant cette règle, de quelle manière l’application doit-elle restituer les résultats de requêtes lancées par les usagers via le moteur de recherche ?
La création d’un état des fonds permet justement de respecter ce modèle structuraliste utilisé par les archivistes et de replacer les résultats des requêtes :
Résultats d'une recherche utilisant le terme Morazé (historien et figure importante de l'histoire de la Fondation)

Ce type de restitution des résultats diffère du catalogue dans lequel les résultats sont affichés à la suite, sans arborescence :
Résultat d'une requête similaire effectuée dans le catalogue Babylone de la bibliothèque de la FMSH

Pour conclure : le « numérique », un accès aux archives parmi d’autres ?

Faut-il considérer une application de consultation des contenus archivistiques comme une fin en soi ? Pas nécessairement : la mise en ligne constitue une action visant à offrir de la visibilité aux documents d’archives, et la valorisation par des expositions, publications ou des opérations de numérisation constituent d’autres aboutissements du travail de l’archiviste. En réalité, il s’avère qu’aussi performants qu’ils peuvent l’être, les contenus archivistiques mis en ligne ne constituent qu’une manière d’accéder à l’information complémentaire aux autres.

L’archiviste, de par sa connaissance des fonds mais aussi de l’histoire de son institution, reste un interlocuteur de premier ordre vers l’accès aux archives : mettre en ligne les contenus archivistiques ne signifie pas laisser les usagers seuls face aux instruments de recherche. L’archiviste, comme le bibliothécaire, accueille, écoute et oriente toujours le chercheur, restant ainsi au contact de la communauté scientifique et de la recherche actuelle.

N’oublions pas non plus qu’avant d’être numériques, les instruments de recherche ont connu le support papier. Quand bien même les répertoires et inventaires électroniques présentent de nombreux avantages, difficile de tirer un trait sur une culture papier vieille de plusieurs siècles :

  • une partie du public des archives a pris des habitudes de consultation bien ancrées dans leurs pratiques de recherche, habitudes d’autant plus persistantes du fait que bon nombre de services d’archives mettent uniquement des instruments de recherche papier à la disposition des usagers,
  • le papier se prête particulièrement à la consultation intégrale d’un répertoire ou d’un inventaire, non seulement pour le confort de lecture qu’il offre, mais aussi de par la structuration et l’affichage de l’information qui se trouve directement accessible au lecteur, sans qu’il ait besoin de déplier toute la hiérarchie de l’instrument de recherche ou d’effectuer des requêtes.

De ce fait, produire des instruments de recherche sur plusieurs supports constitue un bon moyen de toucher un panel plus large d’usagers. Ainsi l’état des fonds des archives de la Fondation Maison des sciences de l’homme, déjà accessible en ligne, sera prochainement consultable dans sa version papier en salle de lecture de la bibliothèque. D’autres instruments de recherche devront le rejoindre au fur et à mesure de l’avancée des travaux de traitement des fonds.

Share This

Partagez!