La fin du Moyen Âge

La stabilisation de la famille

Le XVe siècle apparaît, pour la famille de Saint-Vidal, comme une période de stabilisation après la constitution de sa puissance territoriale au siècle précédent. Le testament de Dragonnet de La Tour, daté de 1446, montre un père de famille partageant ses biens entre ses fils – Saint-Vidal à l'aîné, le Villard au cadet – dotant ses filles en vue de leur mariage et prescrivant des legs pieux pour le salut de son âme. C'est lui qui, en 1445, avait donné à Guigon du Thiolent l'autorisation de fortifier sa maison afin de recueillir les habitants du village du Thiolent contre les gens de guerre et autres brigands.
Son fils aîné, Béraud, fit un brillant mariage sans lendemain : en épousant dans le second quart du XVe siècle Louise de Joyeuse, il devenait le neveu de Gilbert de La Fayette, maréchal de France, et de Dunois, bâtard d'Orléans, compagnons de Jeanne d'Arc. Devenue veuve, Louise de Joyeuse épousait, en 1460, Louis de Saint-Priest et mariait le même jour sa fille Antoinette à Jean de Saint-Priest, son beau-fils. Ce mariage La Tour-Saint-Priest inaugure les liens entre Saint-Vidal et le Forez-Lyonnais, liens dont l'importance sera considérable au XVIe siècle.
Les représentants successifs de la famille, Guillaume, frère cadet de Béraud (qui teste en 1488), puis son fils Érail (qui teste en 1537), ne nous sont guère connus. Érail épousa d'abord Françoise d'Albon en 1497, puis Gabrielle de Montfaucon, veuve de Bertrand de Chandorat de Mons, en 1510. Pour garder l'héritage Chandorat, avec les seigneuries de Mons et de Saint-Quentin, de part et d'autre de la Loire, il maria en 1518 son fils aîné Guillaume avec Clauda de Chandorat, fille de Gabrielle de Montfaucon. Mais il fallut attendre la fin du XVIe siècle pour que cette extension du patrimoine soit effective : remariée avec Jacques de Tournon, Clauda de Chandorat légua en 1580 tous ses biens à son neveu, Antoine II de La Tour. Ce dernier fit alors orner de son chiffre et de celui de son épouse l'oratoire de l'hôtel Chandorat, situé dans la vieille ville du Puy.

Le château du XVe siècle

C'est au XVe siècle et au début du XVIe siècle que Saint-Vidal est transformé en un véritable château fort.
Dans un premier temps, le front nord

(14) 14. Les deux tours rondes et le front nord du château

 , côté plateau, a été surélevé pour masquer le toit du logis. Il a également été flanqué de tours rondes. Ces tours

(15) 15. La tour de l’angle nord-est et la trompe qui la porte : vues de la cour intérieure

 sont couronnées de parapets droits portés par des moulures superposées et masquant aujourd'hui des toitures de lauzes qui ont peut-être remplacé des terrasses. Ce type de couronnement se retrouve alentour sur les châteaux de Mercœur, Ours et Vergezac, malheureusement non datés. L'absence totale de mâchicoulis, le couronnement par des terrasses sont à mettre en rapport avec l'utilisation de l'artillerie. On trouve au château de Montreuil-Bellay, dit fraîchement refait en 1481, des tours au couronnement d'un style voisin. Elles permettent, par comparaison

(16) 16. Détail du couronnement d’une tour de Montreuil-Bellay

 , de proposer la seconde moitié du XVe siècle pour celles de Saint-Vidal. On retrouve, dans l'ancienne salle d'apparat, les mêmes profils de nervures de voûte

(17) 17. Détail du voûtement des «vieilles cuisines» : mascaron décorant la clef de voûte

  que dans les étages supérieurs des tours. Le voûtement de la grande salle paraît donc contemporain de l'édification des tours et peut s'expliquer par la volonté de renforcer le côté le plus exposé de la construction.
Cette modernisation de la forteresse

(18) 18. Le château du XVe siècle

  s'est accompagnée d'une réorganisation du logis. La grande salle

(19) 19. La grande salle du premier étage

  a été transférée du nord à l'est, au premier étage, et n'en a pas bougé depuis. Elle a seulement été amputée de son extrémité sud au XVIIIe siècle. On y accédait, au XVe siècle, directement depuis l'escalier à vis nouvellement construit dans l'angle nord-est de la cour. Cette vis donnait également accès à l'appartement du maître : il comportait une grande chambre, dans le prolongement et au nord de la grande salle, mais sans communication directe avec elle, et un cabinet doté d'une latrine, placé dans la tour. Le logis du milieu du XVe siècle ainsi restitué est beaucoup plus vaste et rationnel que le précédent. Il est disposé en « L » au nord et à l'est de la cour ; l'escalier, comme souvent à l'époque, est placé dans l'angle et dessert les deux corps de bâtiment. Il est probable que l'ancienne salle d'apparat a été, à ce moment, transformée en cuisine, les autres pièces du rez-de-chaussée servant de celliers et de magasins. La vie seigneuriale pouvait ainsi se dérouler à l'étage, dans un cadre moderne : le décor architectural, discrètement flamboyant, est limité aux encadrements des cheminées monumentales et des portes.

Le château au début du XVIe siècle

Très rapidement après ces travaux, le château est de nouveau renforcé et le logis agrandi

(20) 20. Le château au début du XVIe siècle

 . On construit alors les deux premiers niveaux de la tour de l'église, à l'angle sud-est. De plan ovoïde, avec des murs de plus de trois mètres d'épaisseur à la base (deux mètres pour les tours nord)

(21) 21. Pièce du premier étage de la tour de l’église

 , elle témoigne d'une tentative d'adaptation de la fortification traditionnelle à l'artillerie.
On dote également le front ouest de l'appendice rectangulaire appelé éperon, plus tard intégré partiellement au donjon. Cette façade ne paraît pas, jusqu’alors, défendue. Les aménagements ultérieurs nous privent de ce côté de toute certitude quant à la forme des défenses extérieures : fossés, murs extérieurs ou simples bâtiments ?
Dans le même temps a été construite ou complétée l'aile sud du logis : les ouvertures

(22) 22. Fenêtre de l’aile sud du logis, avec son volet, donnant sur la cour intérieure

  ont été par la suite remaniées et les pièces partagées, mais on restitue aisément la distribution ancienne, une petite pièce à cheminée, au-dessus du passage voûté de l'entrée actuelle, et une grande pièce jusqu'au mur occidental. Ces pièces se commandent l'une l'autre par des portes percées du côté de la cour. Il ne semble pas que l'on ait pu accéder à l'éperon par cette aile. Des galeries, vraisemblablement de bois, placées contre les murs nord et ouest de la cour, le reliaient à l'escalier à vis construit auparavant dans l'angle opposé. Les grandes pièces ont conservé, aux premier et deuxième étages, l'essentiel de leur décor (quoique caché au premier étage) : grandes cheminées et plafonds à caissons à décor polychrome exécuté au pochoir. Ces pièces formaient certainement des appartements. Leur exposition au sud, leur décor raffiné témoignent d'un tout nouveau souci de confort dont l'esprit est déjà celui de la Renaissance.