Les Temps modernes

Antoine II mort sans héritier mâle, les biens de la famille de Saint-Vidal furent l'objet de procès interminables entre sa veuve et ses deux filles, puis entre les descendants de l'aînée, les Rochefort d'Ally. Cela débuta par un épisode tragi-comique : le vicomte de Polignac prit fait et cause pour un certain Gilbert, fils supposé d'Antoine II, dont il se proclama le tuteur. La supercherie fut éventée durant le procès et donna lieu à de savants commentaires dans les recueils de jurisprudence du temps. Claire de Saint-Vidal, fille aînée d'Antoine II, épousa en 1582 Claude de Rochefort d'Ally, issu d'une vieille famille auvergnate. Pour assurer à ses enfants l'énorme héritage paternel, elle eut à contrecarrer les appétits de sa mère, Claire de Saint-Point, et de sa sœur Marie, épouse de Théophile de Damas puis de Claude Ménardeau de Champré. La succession ne fut définitivement réglée qu'en 1706, au prix de la perte d'une partie des seigneuries, le Villard, Eynac et Montvert allant à la branche cadette issue d'Henri, frère d'Antoine II, Barges et Goudet-Beaufort vendus en 1645 à Robert Jourdain, Mons et Saint-Quentin vendus aux Spert de Volhac. L'assise foncière se réduisait donc à Saint-Vidal, Blanzac et Azanières, c'est-à-dire au noyau du début du XIVe siècle.
Les Rochefort d'Ally détinrent la baronnie de Saint-Vidal jusqu'en 1765. La branche aînée s'intéressa plus à ses biens patrimoniaux d'Ally, où elle semble avoir résidé de préférence à Saint-Vidal. En 1742, Guillaume, le dernier représentant de cette branche, légua la seigneurie à son cousin, Pierre de Dienne de Chavagnac, qui s'en sépara en 1748 pour 90 000 livres au profit de Pierre-Joseph de Rochefort d'Ally, son lointain cousin. Ce dernier était l'arrière-petit-fils de Claire de Saint-Vidal : par sa grand-mère, Marguerite de Ginestoux, il avait hérité du château et des terres du Thiolent, dont il fit sa résidence principale au prix d'importants travaux d'aménagement exécutés de concert avec son frère Henri-Louis, évêque de Châlons. On comprend dès lors qu'il revendit en 1765 les terres de Saint-Vidal à Louis-Augustin Porral pour 130 000 livres, se réservant le titre baronnial.
Les Porral

(48) 48. Le château de Saint-Vidal au temps des Porral, lithographie extraite de "L’ancienne Auvergne et le Velay", 1845

  sont une famille de médecins et de consuls du Puy connus dès la fin du XVIe siècle : Claude Porral, médecin de la reine Marguerite de Valois, fut député en 1595 par les ligueurs ponots auprès du roi Henri IV. Cette famille garda Saint-Vidal jusqu'en 1920. Elle en fit, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, sa résidence principale en aménageant, surtout dans l'aile sud, des pièces placées sous le signe du confort. Deux salons au rez-de-chaussée et les chambres à l'étage ont été tendues, tout ou partie, de boiseries réelles ou feintes en stuc, et dotés de cheminées modernes, à l'âtre de petites dimensions surmonté d'un haut trumeau décoré d'une glace ou d'une peinture. C'est la création des deux petits salons au rez-de-chaussée qui a amené le percement des deux grandes portes-fenêtres de la façade sud et vraisemblablement le voûtement du fossé à ses pieds. Le grand portail était certainement à l'origine la seule porte du château. La vie se déroulait pour une bonne part au premier étage, une cuisine ayant été aménagée dans la chambre jouxtant, au nord, la grande salle (et appelée depuis "cuisine Porral").
Louis-Augustin, le nouvel acquéreur, fit mettre à jour les terriers

(49) 49. Le château et le village, détail du plan-terrier de 1782

  de sa seigneurie tout en prenant une copie des anciens titres susceptibles de prouver ses droits féodaux, que la Révolution réduisit à néant. De complexes partages de famille durant la seconde moitié du XIXe siècle aboutirent à l'achat, en 1920, par l'abbé Joseph Raymond, des droits de Marie-Justine Garrot, veuve de Félix Porral de Saint-Vidal. Cette acquisition fut complétée par une licitation judiciaire en 1922. Le tout fut revendu le 20 janvier 1930 à Auguste Sahy, antiquaire du Puy : le contrat précisait que la toiture de la partie est du château est écroulée et que le surplus, notamment la toiture, est en très mauvais état.
L'abbé Raymond avait fait procéder à des réparations urgentes en 1920-1922 : révision des toitures et des descentes d'eau, réparations à la terrasse qui recouvrait partie des galeries de la cour intérieure. Auguste Sahy reprit complètement ces travaux en refaisant toutes les toitures, mettant ainsi le château

(50) 50. Le château et le village vus du sud, photographie du 1er tiers du XXe siècle

  hors d'eau et le sauvant définitivement de la ruine. Il se préoccupa également de le remeubler convenablement, l'ayant trouvé vide à l'exception de deux ou trois pièces restées sur place. Ses neveux, Edmond et Bernard, continuèrent son œuvre : la cour intérieure fut refaite en 1964, la grande salle du premier étage en 1974, les « vieilles cuisines » en 1975, la « cuisine Porral » en 1986. À ces travaux d'ensemble s'ajoutèrent l'entretien des toitures et la réfection des menuiseries et vitrages des fenêtres. Dans la salle basse du donjon, la partie de la peinture murale mise à jour fut fixée en attendant le dégagement du reste des murs. Si beaucoup reste à faire, l'œuvre réalisée à ce jour n'en est pas moins considérable. Cette renaissance du château s'amplifia en 1974 : à l'occasion de l'opération Châteaux en Auvergne, la maison fut ouverte au public. La cour d'honneur fut le lieu de création du festival annuel de chant lancé par les chorales À Cœur Joie.
Par son intérêt archéologique majeur, par le rôle que ses seigneurs ont joué dans l'histoire du Velay, Saint-Vidal tient une place éminente dans le patrimoine et la vie culturelle du département de la Haute-Loire.